Les insurrections singulières, de Jeanne Benameur
Un COUP DE COEUR absolu pour ce texte, découvert en partie chez Gambadou.
J'aime cette auteur (voir mon billet sur les Demeurés qui était déjà un coup de coeur) ; là, j'avoue qu'il y avait de quoi me séduire complètement.
Ce texte raconte sublimement l'Homme au Travail, la quête du sens, de l'identité professionnelle. La fierté du geste, du petit secret de fabrique, du travail bien fait. Le désarroi face à la fuite du travail vers les pays émergents. La défense viscérale des ouvriers pour garder leur gagne pain, leur usine, leur histoire.
C'est à travers le destin d'Antoine, que Jeanne Benameur pose des mots si justes, si subtils pour décrire cette réalité complexe et passionnante qui m'anime tous les jours.
Antoine, qui a 40 ans et n'a jamais su trouver sa place. Sentiment perpétuel d'imposture : dans ses études, dans son boulot, à l'usine, comme son père, où il a fini par atterrir faute d'avoir pu donner corps à ses envies, si fuyantes.
La seule place qu'il occupait pleinement, c'était aux cotés du corps de Karima. Place qu'il a fini par perdre, comme sa place à l'usine, qui va fermer bientôt : délocalisée au Brésil.
La renaissance d'Antoine passera, comme souvent, par une rencontre. Avec Marcel, bouquiniste, qui saura lui ouvrir les yeux sur ce qui est précieux.
Ce texte a été initié à l'issue de "cafés de paroles" menés auprès de salariés de Arcellor Mittal, victimes des délocalisations du groupe.
Jeanne Benameur anime régulièrement des ateliers d'écriture, d'expression. Elle livre là des mots puissants pour célébrer l'amour du geste, de la belle ouvrage, de l'humanité aussi... Des mots pour dire la révolution possible, celle de l'intime, qui permet de reprendre pied dans sa vie... "car on n'a pas toute l'éternité devant nous. Juste la vie".