Les veilleurs de chagrin, de Nicole Roland

Voici un nouvel ouvrage confié par mes copines libraires, qui vient de sortir chez Actes Sud.
Il s'agit là d'une toute autre lecture, très éprouvante.

Une plongée dans la souffrance d'une femme, confrontée aux fantômes de son enfance, à la démence de sa mère, aux cadavres qu'elle étudie, car anthropologue...
Pour conjurer sa propre douleur, et malgré un travail thérapeutique, elle répond à l'appel d'une ONG pour aider à la reconstitution des corps exhumés des charniers du Kosovo.
Une fuite en avant terrible et mortifère, qui permettra peut-être un sursaut de vie...

Très peu de répit dans cette lecture pétrie d'angoisse, de blessures psychiques et physiques.
Cependant, l'écriture est belle, quoique complexe parfois, portant le lecteur abasourdi de page en page. Les nombreuses références scientifiques, géo-politiques, psychologiques, donnent à l'ensemble un réel intérêt pour ce travail d'écriture approfondit, bien au delà d'une simple catharsis.

Mais il faut être solide pour appréhender ce parcours, cette plongée dans un intime aussi blessé.
A recommander avec beaucoup de précaution.

J'avoue avoir été particulièrement touchée par une citation et je suis heureuse d'avoir lu ce livre ne serait ce que pour ce passage là. Il s'agit d'un extrait de La Pesanteur et la Grâce de Simone Weil :

"La grâce comble mais elle ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir, et c'est elle qui fait ce vide. (...) Accepter un vide en soi-même, cela est surnaturel. Où trouver l'énergie pour un acte sans contrepartie ? L'énergie doit venir d'ailleurs. Mais pourtant, il faut d'abord un arrachement, quelque chose de désespéré, que d'abord un vide se produise. Vide : nuit obscure."

Cela ne vous donnera pas pour autant une idée du style de l'auteur, j'en ai bien conscience, mais je voulais partager cet extrait là, particulièrement. Peut-être parce qu'il donne à réfléchir...